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Natasha Lepage à la COP29 : «Une fierté de porter la voix de la jeunesse»


Natasha Lepage va représenter la jeunesse luxembourgeoise à la COP29. (Photo : Fabrizio Pizzolante)

L’activiste luxembourgeoise participera pour la première fois à la Conférence des parties, qui se tient cette année à Bakou. Elle espère que des mesures concrètes pour le climat y seront décidées et entérinées.

À seulement 21 ans, Natasha Lepage, la «Greta Thunberg» du Luxembourg, portera la voix de la jeunesse à la COP29, qui s’ouvre aujourd’hui et se tient jusqu’au 22 novembre à Bakou, en Azerbaïdjan.

Une fierté pour cette jeune Luxembourgeoise, activiste de la première heure, qui attend beaucoup de cette conférence internationale, dont le but est de fixer les objectifs climatiques mondiaux.

Pour elle, des actions concrètes et efficaces doivent être prises au plus vite par les États. Car aujourd’hui comme hier, la crise climatique est devenue plus qu’urgente.

Pendant deux semaines, vous allez porter, pour la première fois, la voix de la jeunesse à la COP29. Comment avez-vous pu accéder à cette opportunité ?

Natasha Lepage : J’ai répondu à un appel à candidatures dans le cadre d’un programme (NDLR : Climate Youth Delegates) dont le but est de porter la voix de la jeunesse à la COP29. C’est un mandat d’un an que j’occupe avec Frida Thorsteinsdottir, une jeune étudiante en sciences.

Depuis plusieurs mois déjà, nous préparons ce programme. Lors de la première phase, nous nous sommes rendues dans des établissements scolaires luxembourgeois, des maisons de jeunes ou lors d’activités périscolaires pour demander aux jeunes les thèmes prioritaires qu’ils souhaitaient que nous défendions lors de la COP.

Pendant ces échanges, nous avons fait beaucoup de sensibilisation. Nous leur avons expliqué ce qu’était une Conférence des parties et le thème assez complexe de cette année, qui porte sur les financements pour le climat.

Quels thèmes ces jeunes ont-ils choisis ?

Il y en a plusieurs. Ils ont mis l’accent sur le manque de biodiversité dans notre pays et la nécessité d’une éducation aux enjeux climatiques dans les écoles. Beaucoup de jeunes veulent agir, mais ne voient pas le lien complexe entre leurs actions et leur impact sur la planète.

Cette situation est souvent liée au manque d’informations dans leur cursus scolaire (…). Le financement climatique et l’atténuation du changement climatique sont les autres thèmes évoqués par ces jeunes. Enfin, le dernier point mis en avant pendant nos échanges est la transition juste.

Pour arriver à une neutralité carbone d’ici à 2050, il faut que cette transition soit la plus possible inclusive. Car la cause climatique est un problème intergénérationnel et les jeunes doivent être entendus.

Concrètement, quelle va être votre action à la Conférence des parties ?

En tant que déléguées et membres de la délégation luxembourgeoise à Bakou, notre rôle est de représenter la voix de la jeunesse du Luxembourg lors des négociations internationales.

En préparation de la COP, nous avons eu plusieurs échanges avec des jeunes délégués européens pour le climat. Nous nous sommes rencontrés il y a un mois à Copenhague. Nous étions plus de 20 jeunes délégués issus de 14 pays différents.

L’idée de ces rencontres était de voir comment, ensemble, nous pouvons avoir un impact et comment nous pouvons défendre notre point de vue lors des négociations que nous aurons la chance de suivre. En revanche, nous ne savons pas encore à quel niveau nous pourrons intervenir pendant ces deux semaines.

Faire partie d’une délégation dans un évènement aussi important qu’une COP, à seulement 21 ans, c’est déjà un important aboutissement pour vous ?

C’est une fierté de porter la voix de la jeunesse et que la délégation inclue des jeunes. D’ailleurs, c’est une première. Auparavant, il y a toujours eu des jeunes présents lors des COP, mais ils ne pouvaient pas participer aux négociations.

Pour moi, c’est la première fois que je participe à un événement de cette envergure. Les COP réunissent énormément de monde. L’année dernière à Dubai, il y avait 100 000 personnes.

J’ai déjà participé à un événement international en 2023. J’ai eu la chance de représenter le Luxembourg aux Nations unies. C’était déjà une expérience exceptionnelle.

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Le Luxembourg a-t-il un poids dans les négociations climatiques ?

Trois négociateurs représenteront notre pays. Si je prends comme point de comparaison le Canada qui en avait 600 l’année dernière, on peut dire qu’il y a une grande différence entre ce pays et le Grand-Duché.

Il faut savoir aussi que le Luxembourg négocie au sein de l’Union européenne et non pas seulement en tant que pays seul. Je pense que notre point fort reste le financement pour la transition écologique. Notre pays investit beaucoup à ce niveau-là.

Revenons à vous. Quand votre engagement pour la cause environnementale a-t-il commencé ? 

Il a débuté quand j’avais 14 ans. Avec un groupe de mon établissement scolaire, nous défendions les droits de l’homme et nous luttions plus particulièrement contre la torture.

Puis, deux ans plus tard, en 2019, quand le mouvement climatique a commencé au Luxembourg, avec la première marche pour le climat, j’ai compris que la cause environnementale était quelque chose que j’avais envie de défendre.

C’est à partir de là que mon intérêt pour le climat a vraiment commencé.

Cet engagement s’est aussi nourri de vos nombreuses expériences à l’étranger.

En raison du travail de mon père, j’ai vécu jusqu’à l’âge de 10 ans à l’étranger. Nous avons séjourné pendant trois ans en Indonésie, quatre ans au Sénégal et deux ans en Inde. Le fait de vivre dans un autre pays que le Luxembourg m’a ouvert l’esprit.

J’ai vu des choses incroyables qu’un enfant de 10 ans qui grandit au Grand-Duché ne voit pas dans son quotidien. De toutes ces expériences, le plus frappant pour moi a été de voir comment la pollution, notamment plastique, était normalisée dans ces pays.

Quand je revenais au Luxembourg, je me disais que ce problème était présent seulement dans ces États-là. Je me suis rendu compte que le fait de banaliser ce phénomène était un problème. Car même si c’est loin de nous, il faut en parler. Beaucoup de jeunes ne réalisent pas l’impact qu’ils ont sur la planète.

Après la coupure causée par la crise sanitaire, les manifestations des jeunes pour la cause environnementale sont moins nombreuses aujourd’hui. Est-ce regrettable pour vous ? 

La crise du covid a stoppé ou ralenti beaucoup de choses. Les jeunes qui ont participé à ces événements ont continué à s’engager, mais de manière différente. En tant que jeunes, nous avons compris que l’impact de nos manifestations se voyait plutôt dans les domaines social et politique.

Certains d’entre nous ont décidé de s’engager directement dans ces secteurs. Parmi ces jeunes, nombre d’entre eux sont partis à l’étranger et reviennent au Luxembourg avec des projets climatiques sociétaux (…). Mais une chose est sûre : l’élan que nous avons insufflé pendant ces manifestations ne s’est pas arrêté.

(Photo : Julien Garroy)

Lors de ces marches pour le climat, vous avez pu rencontrer des membres du gouvernement ou des députés pour partager avec eux vos revendications. Depuis, des actions concrètes ont-elles été réalisées ?

Je pense que nos échanges ont permis de mettre sur un piédestal la cause du climat. Tout l’objectif de notre mouvement était de montrer l’urgence de la crise climatique. Nous avons réussi. Des assemblées climatiques ont été créées après cela.

Si l’approche a changé, c’est certain, peu d’actions concrètes au niveau politique ont été réalisées. C’est compliqué, car tout prend beaucoup de temps. L’écueil est qu’aujourd’hui la majorité des initiatives mises en place sont individuelles.

Alors que nous, nous souhaiterions que ça soit plutôt intégré à un plan de société plus global (…). De plus, les mesures mises en place ont des objectifs lointains et qui ne sont pas concrets. Nous avons besoin de changer cet agenda, car il y a urgence.

Pourtant, aujourd’hui, de nombreux jeunes éprouvent un désintérêt pour les sujets politiques ou environnementaux. Comment les réconcilier avec ces sujets ?

D’un côté, nous avons des jeunes qui éprouvent de l’écoanxiété, mais ne savent pas comment agir, et, de l’autre, des jeunes qui ne sont pas toujours intéressés, mais sont en tout cas déçus du manque d’actions politiques.

En tant qu’activistes, notre but est de réunir ces deux jeunesses. Les réseaux sociaux peuvent par exemple être un outil utile. Cette année, des lycéens luxembourgeois nous accompagneront à la COP et partageront leur expérience sur leur compte Instagram.

Le Luxembourg est l’un des champions européens du jour du dépassement (Overshoot Day). Dans quels domaines le pays peut-il s’améliorer ?

Je citerais en premier lieu le secteur du transport, le logement et surtout la biodiversité. D’après un rapport récent du Statec, 67 % de nos arbres et de nos forêts sont gravement malades au Luxembourg. Quand on voit ce chiffre, on se dit qu’il faut lancer immédiatement des actions.

C’est un point que de nombreuses personnes négligent, car elles ont l’impression que le Luxembourg est un pays vert, mais finalement, la qualité n’est pas au rendez-vous. Mais notre pays a beaucoup de possibilités au niveau du financement. Désormais, il faut qu’il voie quels projets il peut financer au niveau national pour qu’il puisse faire reculer son Overshoot Day et ses émissions de gaz à effet de serre.

Vers quel modèle de société doit-on tendre ? N’est-ce pas trop tard ?

Je pense qu’un modèle de société parfait n’existe pas. En revanche, intégrer les considérations économiques, sociétales et environnementales dans un plan de société global pourrait être intéressant (…). Je ne pense pas que ce soit trop tard. Si on ne le fait pas maintenant, quand le ferons-nous?

En voulez-vous aux anciennes générations d’avoir mis de côté la cause environnementale ?

L’urgence climatique a toujours été là. Dès les années 1980, on a commencé à parler du changement climatique. Je pense qu’il faut arrêter de se demander pourquoi nous n’avons pas agi avant, car c’est à nous de le faire aujourd’hui.